En 1995, avait lieu à Toulouse un colloque intitulé « Les liens d’émerveillement », consacré à l’observation des nourrissons selon la méthode d’Esther Bick. Ce colloque avait pour objectif d’enrichir notre connaissance du développement précoce de l’enfant dans sa famille, et au-delà, d’engendrer un esprit nouveau pour des interventions préventives dans divers lieux de vie et d’éducation.
C’est à partir de ces liens d’émerveillement, qui peuvent ne pas être donnés d’emblée, quand la rencontre parents-bébé se trouve entravée par le contexte d’une longue hospitalisation après la naissance, que nous avons décidé de filer
cette métaphore du lien et de la matière.
Les liens sont constitués de différents fils, intimement liés, intriqués… fil de laine, fil de coton, fil de crin, fil de soie… mais parfois aussi, ces fils sont d’emblée reliés à des machines, des sondes, perfusions, capteurs et autres scopes, … entravant la liberté de mouvement et de rencontre… comme le début de la vie de ce bébé prématuré qui « n’a tenu qu’à un fil »… « Sur le fil de la vie », « Bébé funambule », comme les nomme Catherine Vanier.
Du fil si fragile aux fils plus robustes des liens d’attachement secure, inscrits dans la filiation transgénérationnelle et culturelle, il y a tout un travail de transformation de la matière, ô combien fragilisée par l’angoisse dont elle est lestée au départ, en des liens solidement attachés.
C’est à ce travail que notre équipe a le désir de participer. A partir de nos « métiers à tisser » respectifs, notre projet consiste à soutenir la création des liens d’attachement et d’émerveillement, avec préférentiellement… des fils de soie, … matière noble, précieuse et lumineuse, extrêmement fine… mais la plus solide qui soit… afin d’accompagner ce qui constituera une trame unique, une œuvre originale… une histoire de famille.
Hommage ici aux professionnels attentifs à l’infiniment petit, silencieux, qui tissent des liens invisibles au-dessus des couveuses… ; aux parents aussi, funambules, suspendus à cette expérience de vie bouleversante… ; à ces bébés enfin, qui déploient tant d’énergie pour grandir…
Aller au lieu d’accueil du Fil de soi(e), c’est aussi aller à son rythme, pour soi et vers soi, pour aller vers l’autre… son enfant ! Et ce « e » qui reste entre parenthèse, c’est celui de l’(e)nfant, contenu entre deux mains bienveillantes et protectrices : celles de ses parents.